Immigrés=banlieues=violence, c’est une des équations récurrentes dans les médias depuis les années 1980. Alors, comment changer les représentations que les journaux donnent des immigrés? Comment couvrir l’immigration sans tomber dans les clichés? Ces questions étaient au coeur des débats de la conférence « Covering Immigration » organisée par la French-American Foundation ce week-end à Paris.
« Aux Etats-Unis, les questions d’immigration et d’intégration sont entendues comme faisant partie d’un processus. En France, c’est une perspective totalement différente. On traite l’immigration en termes de citoyenneté et d’identité nationale », analyse Susan Sachs, correspondante pour le quotidien canadien The Globe&Mail et professeur à Sciences Po Paris.
Il suffit d’ouvrir les pages des journaux, pour constater que l’immigration est souvent traitée en France comme un problème. Résultat: on se concentre sur des questions symboliques comme le sentiment d’être Français, ou encore la part de travailleurs sans-papiers. Et on oublie de parler des autres : l’écrasante majorité des immigrés arrivés légalement sur le territoire. Ainsi, on ne traite jamais des avantages économiques et culturels que l’immigration peut apporter au pays d’acceuil.
Une des pistes pour expliquer cette différence de traitement réside peut-être dans les méthodes de travail des journalistes.
- Comme la plupart de ses confrères nord-américains, Susan Sachs fait appel à des « fixeurs » de la communauté étrangère. Journalistes du Bondy Blog et membres du Conseil représentatif des associations noires (CRAN) lui ont par exemple déjà servi de guides pour ses reportages en banlieues.
- Côté Français, on se refuse à utiliser des intermédiaires. Cécilia Garzon, journaliste au Figaro, se rend en banlieue toute seule…mais discrètement. La première fois qu’elle a dû entrer dans la Cité des 3 000 à Aulnay-sous-Bois, elle s’est fait passer pour « une étudiante brésilienne qui préparait un livre sur la banlieue ». Elle justifie son mensonge par la mauvaise image des journalistes dans les banlieues:
» Il y a tellement d’agressivité envers que les médias que ça devient très dur de travailler là-bas, il faut sans arrêt entrer dans un travail d’explication avec les gens. Si j’avais été d’un journal de gauche, ça aurait été exactement la même chose. »
S’il est sincère et courageux, son témoignage pose néanmoins quelques questions. « Ca n’est pas éthique! », ont lancé certains confrères lors de la conférence.
- Alors, des deux méthodes, la nord-américaine est-elle celle que l’on doit préférer? Peut-être. Certes, les « intermédiaires » ont toujours un certain point de vue sur la réalité, ils montrent au journaliste ce qu’ils ont envie de lui faire voir. Mais, comme le souligne Susan Sachs, si le journaliste en est conscient et qu’il croise ses sources, alors la déontologie sera respectée.
Lydie Marlin